Avant les procès, les controverses ou les débats, il y aura un mot d’ordre, prioritaire : se retrousser les manches… Parce qu’il est important de rappeler que chaque pays, la France en particulier, a tiré des chèques en blanc sur le futur. Nombreux sont ceux qui se demandent d’où sortent ces brassées de milliards qui le sont mobilisées par les gouvernements, par l’Europe, le FMI ou l’Amérique pour soutenir un système en apnée. 540 milliards promis par les ministres des Finances de l’Eurogroupe, auxquels s’ajoutent les 750 milliards de la BCE ; un plan de 100 milliards pour la seule France, sans parler des 24 milliards de coût du chômage partiel selon les estimations non encore définitives. Et si l’on évoque les États-Unis, on change carrément de planète. Pour une économie qui représente 9 fois celle de la France, un premier plan hallucinant de 2 100 milliards annoncé d’abord par Donald Trump ; qui se voit complété par les 2 300 milliards de la Federal Reserve. Un déluge de monnaie déversé par des canadairs publics, pour éteindre l’incendie de la dépression générale.
Les milliards pleuvent aussi sur les entreprises françaises, mais on peut s’interroger sur les effets pervers de cette manne financière.
La crise du coronavirus n’a fait qu’accentuer les travers de la France, et singulièrement sa propension à dépenser à tout-va. On ne compte plus les milliards injectés dans l’économie par le gouvernement.
S’agissant des aides aux entreprises, le ministère de l’Économie et des Finances, chargé également de la relance, depuis la nomination de Jean Castex à Matignon, tient un tableau de bord en libre accès, mis à jour quotidiennement, qui fait le point sur les trois grandes mesures mises en place par Bercy, à savoir le fonds de solidarité, le prêt garanti et le report des échéances fiscales.
S’agissant du fonds de solidarité, qui verse jusqu’à 1500 euros par TPE et PME, et peut même monter jusqu’à 5000 euros supplémentaires dans certains cas, 1,6 million d’entreprises en ont bénéficié au 10 juillet 2020 pour un total de près de 5 milliards d’euros d’aides.
Pour le prêt garanti par l’État, les sommes sont bien plus importantes – mais il s’agit d’un prêt, les sommes devraient en toute logique être remboursées – puisqu’elles atteignent 108 milliards d’euros au 10 juillet pour 535 000 prêts.
Enfin, le report des échéances fiscales se monte à 2,6 milliards d’euros. Mais là encore, ces sommes devraient finir par être recouvrées par l’administration.
Ces aides ne sont pas les seules, le ministère des Finances ayant des dispositifs ad hoc pour certains secteurs d’activité comme le tourisme, l’hôtellerie et la restauration. S’ajoutent à cela les aides provenant des autres ministères, comme celui du travail avec le chômage partiel. L’Agirc-Arrco, l’Agefiph, l’Assurance maladie, l’ANCT distribuent également des aides. L’Urssaf, de son côté, a reporté le paiement de certaines cotisations sociales.
Bref, les milliards pleuvent par centaines sur les entreprises françaises. Et ces mesures sont évidemment nécessaires pour faire face aux circonstances exceptionnelles que connaît l’économie française, et éviter les dépôts de bilan en cascade.
DES DÉFAILLANCES D’ENTREPRISES EN BAISSE
Un de ces effets délétères est la mise sous perfusion d’entreprises qui auraient dû mettre la clé sous la porte et ont peut-être profité des aides publiques pour se maintenir artificiellement en vie.
Car on ne peut qu’être perplexe devant les chiffres publiés qui révèlent que le nombre de défaillances d’entreprises n’a jamais été aussi bas depuis 30 ans. Alors que nous traversons une crise majeure, il y a de quoi être étonné.
En même temps quelque chose ne tourne pas rond sur les marchés boursiers. Après la chute, les actions sont parties pour effacer leurs pertes. Le marché a-t-il perdu contact avec la réalité ?
Est-ce logique quand vous arrêtez un pays entier qui est la deuxième puissance économique mondiale, la Chine, quand vous commencez à avoir la huitième puissance du monde, l’Italie, qui elle-même est obligée d’arrêter sa région la plus productive, ça veut pourtant dire que les entreprises dans le monde entier vont avoir probablement des répercussions qui vont entraîner des baisses de résultats.
C’est ainsi environ 10 000 défaillances d’entreprises Françaises qui ont été artificiellement évitées au premier semestre de l’année. Pour Altares, cela s’explique en grande partie par l’activité réduite des tribunaux pendant le confinement et surtout par l’ordonnance prise par le gouvernement qui permet de considérer que toute entreprise qui n’était pas en cessation de paiement au 12 mars 2020 serait considérée ne pas l’être jusqu’au 23 août. Par conséquent, à la fin du mois, les faillites vont se multiplier. Altares en attend au minimum 60 000 entre juin 2020 et juin 2021.
On peut se demander si ces 10 000 entreprises qui n’ont pas été en redressement judiciaire ou en liquidation au premier semestre n’ont pas bénéficié de quelques-unes des aides mises en place par l’État. Dans ce cas, c’est de l’argent purement et simplement jeté par les fenêtres. Il n’aura servi qu’à repousser l’échéance d’une faillite qui aurait fini par arriver sans la crise.
« UNE LANCE À INCENDIE DANS LE DÉSERT »
Même les syndicats s’inquiètent de cette situation. François Hommeril, président de la CFE-CGC, s’est demandé il y a quelques jours au micro de BFM si on n’est pas en train d’utiliser une lance à incendie pour arroser le désert en espérant y voir pousser une petite fleur.
Pour le représentant des cadres, il faut certes aider les entreprises, mais discernement. Il demande davantage de « sophistication pour pouvoir atteindre ceux qui en ont vraiment besoin ». Pour lui, « il y a trop d’effets d’aubaine ». Et de rappeler qu’il s’agit d’argent public et que cela « coûte cher à la collectivité ». On ne saurait mieux dire ! Mais saura-t-on aussi le rembourser!
Pour cela quand l’épidémie disparaîtra, quand le confinement sera vraiment terminé et que l’urgence économique remplacera l’urgence sanitaire, il faudra mobiliser de l’énergie, beaucoup d’énergie collective. Après cet arrêt total de l’activité dans notre pays, un objectif sera plus important que tous les autres : créer de nouveau et au plus vite de la richesse.
Désormais, l’objectif sera de remettre la machine en route. Et comme les industriels savent qu’il est compliqué d’arrêter totalement une chaîne de production, il est probable qu’après l’éclipse totale de ce printemps 2020, un certain nombre de ratés vont se faire sentir.
Les États-Unis utilisent leur dollar, devise des échanges mondiaux pour compenser leurs propres déficits. L’Europe n’a pas cette chance ; elle devra donc réfléchir à deux fois avant de se couper du dynamisme asiatique, de ses marchés et de ses produits. La croissance du XXIe siècle est en Asie, et sans doute faudra-t-il que l’Europe se décide à négocier pied à pied avec la Chine, le prochain numéro 1 mondial. L’un des axes majeurs de ces discussions à venir concernerait justement la nouvelle création de richesse qu’il conviendrait de promouvoir à l’échelle planétaire. Celle qui permettrait un développement durable, celle qui conduirait à une meilleure répartition des fruits de la croissance entre pauvres, riches, individus, et entre pays.
Le COVID-19 sera le premier défi d’une humanité de presque 8 milliards d’humains. Et si le monde post Covid, à défaut d’être meilleur que le précédent, était au moins plus réfléchi ?
😔
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