Le Bayern de Munich … Une Mémoire Juive

L’histoire de ce grand club commence en 1900.

Ses fondateurs viennent de Saxe, du Nord de l’Allemagne et de la Prusse et il leur est reproché d’être étrangers. Parmi les fondateurs, on compte principalement des Juifs allemands, un phénomène qui n’est pas rare à l’époque. Ces sports anglais offrent aux Juifs une alternative aux disciplines « nationalistes », «patriotiques» et parfois antisémites comme la gymnastique.

À cette époque, le football en Allemagne n’était pas encore le sport n° 1 des travailleurs, mais un sport des classes moyennes avec une tendance élitiste. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, certains joueurs portèrent une cravate pendant le match et l’on soignait une certaine culture bohème. On n’acceptait que des joueurs ayant un degré d’études élevé. Les joueurs du Bayern furent «bourgeois » et élitistes, mais en même temps cosmopolites et libéraux. Ils se distinguaient du provincialisme contrairement à d’autres disciplines sportives et parmi leurs joueurs, il y avait de jeunes Allemands venus de tous les coins du Reich.

La « prise du pouvoir » par les nationaux-socialistes, le 30 janvier 1933, met fin à l’essor du Bayern et surtout à son caractère international. Les matchs contre des clubs étrangers deviennent de plus en plus rares et la composition de l’équipe est rapidement ramenée à 100 % d’Allemands. Le Bayern, considéré comme le « club des juifs », est « aryanisé » comme les magasins de Munich. Les membres juifs sont contraints de quitter le club, comme le président Kurt Landauer qui démissionne de son poste le 22 mars 1933 et perdit son travail quelques jours plus tard. Otto Beer, le responsable des équipes juniors, émigre en Suisse, suivi par Landauer le 15 mai 1939, après avoir connu pendant 4 semaines le camp de concentration de Dachau à la suite de la « nuit de Cristal

Oppression d’Hitler, résistance des joueurs

Le plus éclatant acte de rébellion a lieu en 1943. Lors d’un match amical contre l’équipe nationale de Suisse, les joueurs bavarois se sont mis en rang devant les tribunes suisses, et ont salué leur ancien président, Kurt Landauer, réchappé de Dachau et exilé en Suisse. Il se trouvait alors dans les tribunes. Un geste symbolique répondant à l’exil forcé tout aussi symbolique de Landauer, à l’arrivée au pouvoir d’Hitler dix ans plus tôt.

A l’époque, le Bayern est surnommé le « Club des Juifs ». Hitler commence alors sa politique sportive agressive, très conscient du pouvoir du sport sur le peuple. Comme pour les J0 de 1936, l’objectif est pour lui d’injecter ses idées de supériorité de la race aryenne dans l’opinion publique allemande. Si le Bayern doit représenter le football allemand, il est hors de question que ce soit sous le joug de Juifs.

Le putsch d’Hitler à la tête du club réussit. Les dirigeants juifs tombant comme des mouches. Le Bayern devient officieusement nazi. Mais les joueurs du club ne restent pas passifs, loin de là. En 1934, certains participent à une rixe contre les « chemises brunes ». Deux ans plus tard, l’ailier bavarois Willy Simmetsreiter se prend en photo avec Jesse Owens, afro-américain et objet de haine pour Hitler après ses succès retentissants aux JO de Berlin. L’attaquant Sigmund Haringer a frôlé la prison pour avoir critiqué le drapeau nazi, et Conny Heidkamp, le capitaine de l’équipe, a trouvé le moyen de cacher l’argenterie du Bayern au moment où le gouvernement appelait tous les clubs de foot du pays à donner leur métal pour l’effort de guerre.

Le Club des Juifs devait tomber dans l’oubli 

Comme toute l’Allemagne, le Bayern Munich a mis du temps à digérer cette période. Dans une nation honteuse et ciblée de tous les côtés pour ses agissements pendant la guerre, il ne faisait pas bon clamer un statut de victime, voire de résistant. L’heure est à l’oubli. Kurt Landauer retrouve son poste en toute discrétion, jusqu’à 1951. Dans les documents, le club évoque son absence de dix ans en ces termes : il a dû quitter l’Allemagne pour des « raisons politiques et raciales ». Aucune mention de sa judéité et du rejet dont il a été victime, pas plus que de son séjour à Dachau. Même après la prise de conscience du pays sur les responsabilités et les faits historiques de la période, le Bayern a mis du temps à s’exprimer ouvertement sur la question. A un journaliste qui lui demandait son avis sur Landauer, Uli Hoeness rétorquait brutalement qu’il n’était « pas né à l’époque ». Le vice-président du club Fritz Scherer a peu après admis que le club ne souhaitait pas s’attarder sur ses racines juives par peur de « réactions négatives ». 

Quand la parole se libère

Ce n’est que dernièrement que le Bayern Munich a pleinement embrassé son passé. En 2010, le club a contribué à la construction du terrain Landauer, du nom de son ancien dirigeant, pour le club juif du TSV Maccabi. Pour célébrer les 125 ans de sa naissance, en 2019, les supporters ont cotisé pour financer une statue à l’effigie de Kurt Landauer. Karl-Heinz Rummenigge a reconnu qu’il était « le père du Bayern Munich moderne« . 

Dans le même temps, la politique du Bayern sur l’anti-racisme s’est considérablement renforcée ces derniers mois. Ainsi, en mars dernier, soit plusieurs mois avant que n’éclate le scandale George Floyd et les manifestations mondiales « Black Lives Matter », le club lançait une campagne anti-raciste d’ampleur, faite de vidéos, de matches de charité, d’interventions à répétition dans les médias de la part des stars de l’équipe. Baptisée « Rot gegen Racismus », les Rouges contre le racisme, elle survenait quelques semaines après une série d’incidents racistes dans les stades allemands. 

Le Bayern est par ailleurs le premier club allemand à se positionner contre les violences policières faites aux noirs-américains, dans le sillage des manifestations « Black Lives Matter ». « Carton rouge au racisme », proclamaient les poitrines des stars de l’équipe lors du premier week-end de reprise post-confinement en mai dernier. « C’est un message très clair du club », a expliqué l’entraîneur Hansi Flick, « il est extrêmement important dans la situation actuelle d’attirer l’attention là-dessus. De nos jours, on ne devrait plus avoir à en parler, mais ce n’est malheureusement pas le cas, parce qu’il y a encore beaucoup d’idiots qui réagissent autrement ». Les joueurs eux-mêmes prennent l’initiative de s’engager, à l’image de Jérôme Boateng, devenu en quelques sorties une sorte d’emblème de l’anti-racisme dans le foot allemand. 

Cette semaine, le Bayern Munich a licencié un entraîneur de sa section jeune après des accusations de racisme. L’affaire embarrasse car le club se veut très proactif sur le plan des discriminations raciales depuis quelques années. Une posture qui prend sa source dans l’histoire du Bayern, et notamment dans sa résistance à l’oppression nazie pendant les années 30.

Fredal

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