À toute autre saison je préfère l’automne car c’est l’envol somptueux de la période estivale et la douce esquisse de l’hiver. J’aime son manteau laiteux qui s’évapore aux premiers rayons brûlants du soleil. Le soir venu, alors que les vents brossent les cimes, des nuées ailées spiralantes dans les cieux augurent, dans un frisson crépusculaire, le grand départ. C’est l’automne qui s’annonce enfin avec ses feuilles jaune vif ou rouge ocre se séparant langoureusement de leurs branches dans une valse gracieuse de ballerines avant de s’échouer sans un bruissement sur le gazon moelleux et le tapisser de couleurs flamboyantes.

je n’avais jamais compris pourquoi Rosh Ha-Shana se fêtait à l’équinoxe d’automne, dans ces derniers souffles, cette lente agonie entrecoupée de soubresauts de vie et de chaleur. Aujourd’hui j’en connais la raison : Les premiers jours d’automne où la nature expire, l’éblouissement et l’épanouissement de l’année et ses premiers tiraillements de vieillesse, nous rappellent qu’il est temps que nous admettions notre vulnérabilité. Oublions pour un moment l’avalanche de défis qui se sont abattus sur nous tout au long de cette année passée où l’apparence fut plus importante que l’esprit et que nos cœurs débordent enfin de bonté, de compassion. Car que serait-ce la vie sans pardon, sans tolérance, sans miséricorde, sans magnanimité et sans générosité ? N’est-ce pas en nous honorant, chérissant, aimant que nous pouvons dire que nous aimons Dieu ? Et puis comment pourrait-on obtenir Sa clémence si nous sommes incapables de les accorder à nos proches, à nos amis, aux autres ? N’éclipsons pas pour autant les menaces, les dangers, les problèmes, qui nous ont enseignés combien nous sommes tributaires les uns des autres, et concentrons-nous alors sur ce que le futur nous réserve pour arrêter le tic-tac à rebours de l’horloge du temps.
Cette fin d’année n’est que l’éclosion d’une nouvelle étape, d’une nouvelle aventure, d’un autre défi qui réclame beaucoup plus d’attention et de sagesse. Mettons nous à chanter «Imagine all the people» et souhaitons-nous une année parsemée de joie, de succès, d’amour et de paix, tandis que le jasmin qui garnit notre table de fête exhalera son parfum avant de courber la tête et de flétrir, murmurant dans un sourire ineffable et narquois : «Ce n’est qu’un au-revoir, je fleurirai à nouveau dans ton paradis».
Avec cette belle promesse de résurrection, à ceux qui disent «A gut yor», ou à ceux qui disent «Chana Tova», je vous souhaite à mon tour une bonne et joyeuse Année 5783.
Bonne Année aux séfarades, aux ashkénazes, aux yéménites, aux falashas, aux Kukis, aux Chiang Min, aux Pachtouns, aux Kaï Fengtres, aux galitsyaners et aux litvaks, aux yiddishophones, aux yiddish aphones, et à ceux qui maîtrisent le derdja.
À ceux en shtreymel, à ceux en spodek, à ceux en chapeau, à ceux en burnous, à ceux qui exhibent leur calvitie, à celles en sheytl, à celles en tikhl, et à celles qui montrent fièrement leurs racines.
À ceux qui descendent d’Abraham, à ceux qui descendent de Noé, à ceux qui descendent du roi Salomon, à ceux qui descendent de la reine de Saba, à ceux qui descendent de Taras Boulba, à ceux qui descendent de chez Nanou par la rue Bach Hamba à Tunis, à ceux qui viennent de la rive gauche du Dniepr, à ceux qui viennent de la rive droite du Potomac, à celles qui faisaient le plein de vitrines de la rue Michelet à Alger, à ceux qui descendent de chez Yankel par la rue du Sentier, et à celles et ceux qui arpentaient tous les samedi après-midi la rue Caraman à Constantine guettant le regard complice.
Aux descendants du Bal Shem Tov, aux descendants du Gaon de Vilna, aux descendants de Abou Imran Moussa ibn Maïmoun ibn Abdallah al-Kourtoubi al-Yahoudi dit Maïmonide, à ceux de Rabbi Yehouda ben Shmouel ibn Alhassan haLévi dit Juda Halevi, aux descendants d’illustres rabbins d’Afrique du Nord, à ceux qui descendent de chez Jacky aussi par la rue du Sentier, mais plus tard.
À ceux qui vont chez les orthodoxes, à ceux qui vont chez les loubavitchs, aux libéraux, aux Massorti, et à celles et ceux qui ne vont nulle part.
À ceux qui mettent une kippa noire, à ceux qui mettent une kippa blanche, à ceux qui mettent une kippa tricotée, et à ceux qui préfèrent la mettre dans la poche.
À celles et ceux qui préfèrent le gefilte fish salé, à celles et ceux qui le préfèrent sucré, à celles et à ceux qui préfèrent la mouloukhiya du petit Dominique, à ceux qui préfèrent la Dfina aux cardons, à ceux qui préfèrent le Cholent et à ceux qui disent « non merci, sans façons ».
À celles et ceux qui préfèrent le Knedleth, à ceux qui préfèrent le Keiss Kuchen, à ceux qui préfèrent le Boulou aux amandes et aux raisins secs, et à celles et ceux qui préfèrent le créponné inégalé de la place de la Brèche à Constantine.
À ceux qui vont à Deauville, à ceux qui vont à Eylat, et à ceux qui vont en cure dans toutes les villes dont les noms se terminent par « -les Bains ».
À ceux qui crient Bibi For Ever, à ceux qui crient Bibi For Never, et aux Bibis Fricotins de passage inopiné à Tourcoing.
À ceux qui nous ont rejoint par nostalgie, à ceux qui nous ont rejoint par passion, à ceux qui nous ont rejoint par amitié, à ceux qui nous ont rejoint par curiosité, à ceux qui nous ont rejoint par erreur, et à celles et ceux qui ne sont toujours pas au courant qu’ils nous ont rejoint.
Bonne et joyeuse Année 5783 à ceux qui se reconnaissent à travers ces observances et à celles et ceux qui n’observent rien de tout cela. Par delà nos différences ou par delà nos convergences, je souhaite que nous échangions encore et encore avec plus de chaleur, patience, amabilité, courtoisie, gentillesse, bonhommie, et pourquoi pas plus d’affection et de tendresse…
All The Best
👍
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