DIEU EST-IL MORT À AUSCHWITZ ?

PARIS le 28 Avril 2014

Ma réflexion hebdomadaire devait porter sur les lois régissant la vie sociale avant l’ère commune. Ma rencontre cette semaine, le jour même de la commémoration des victimes de l’Holocauste, avec Maurice H, un aschkénaze issu d’une famille ayant subi les pires atrocités nazies, me contraint à changer de sujet.

Nous échangions en toute convivialité, subito la tension monta d’un cran et atteignait son paroxysme lorsque j’ai commencé à évoquer la Shoah. J’avais appuyé là où ça fait mal. Avec des éclairs de rage plein les yeux, Maurice sortit de ses gonds et m’adressa d’une voix haletante : « Pourquoi ces crimes, ces pauvres gens enfournés comme des bêtes quand ils n’étaient pas gazés. Au delà de son insolite laconisme le monde a délibérément choisi d’être amnésique et comme unique réaction a préféré la dissimulation, volontairement le déni par omission. Une nation évoluée et cultivée, a commis ces crimes et un monde tout aussi civilisé a laissé faire. Dieu était absent, ou si tenté qu’il existe, pour le moins indifférent »

Le mémorial de Yad Vashem créé en 1953 est une institution étatique qui a pour principal objectif de perpétuer le souvenir du génocide du peuple juif pendant la Seconde Guerre mondiale qui a fait six millions de morts, principalement en Europe.

Il était même sur le point d’émettre l’hypothèse que cela a eu lieu car Dieu n’existe pas, pour finalement ajouter : Dieu est mort à Auschwitz ! Aussitôt le silence se fit sourd. je n’osai prononcer un mot mais je me serais finalement bien risqué de lui rétorquer qu’il y a que l’insensé pour dire: Dieu n’existe pas. Je m’en suis abstenu quelque peu gêné par ce que sa famille avait subi comme atrocités, convaincu qu’il avait élevé la voix pour nous alerter et nous dire que ce qui est arrivé peut se renouveler. Cruelle ironie, cela est en train de se reproduire sous un autre visage.

Mais il n’empêche qu’Auschwitz, dans la radicalité du mal indicible qu’il symbolise, impose le silence, — silence nécessaire et respectueux-, et va jusqu’à mettre en question la possibilité même de toute questionnement — De facto, il était naturellement en droit de se demander, du fait qu’une grande partie de sa famille ait été décimée dans les camps, comment faut-il comprendre que Dieu laissa perpétrer de telles atrocités. Comment concilier le concept de Dieu avec le constat de l’inhumanité, de la violence, de l’horreur extrême sans précédent que constitue l’extermination massive de Juifs ? Pourquoi certaines « figures », après la Shoah, comme après la destruction du temple d’ailleurs, pensèrent que l’événement était la marque d’un châtiment de Dieu pour les fautes de son peuple.

Soudain cette vision m’est apparue insupportable car je ne pouvais accepter une telle disproportion entre d’éventuelles fautes et le châtiment, attribuer l’existence du mal à l’infidélité ou à la fidélité d’un peuple, à la croyance ou à l’impiété. Croire alors que toute souffrance vient du péché, et qu’elle cible précisément les hommes en fonction de leur conviction.

Énormément de juifs ont cessé de croire en Dieu après la Shoah, alors que d’autres ont fait le chemin inverse, cependant je pense que ceux qui quittent comme ceux qui adhèrent à la religion sur la base d’événements terrestres ne saisissent pas l’essence du judaïsme. Que cette séquence « inhumaine », n’est pas de nature divine, mais bien de l’humain, maître de son destin. L’image de Dieu, ébauchée dans les balbutiements de l’univers physique, passe sous la garde problématique de l’homme, pour être accomplie ou corrompue. À le vivre tous les jours, il est vrai que l’homme a cette capacité de faire le mal et de s’y complaire.

Tout se passe comme si Dieu avait mis un marché cruel entre les mains de l’homme. « J’introduis la vie dans l’univers mais la souffrance l’accompagne » Et Il récidive avec la pensée « Je te donne la pensée mais en plus de la souffrance et de la mort qui sont les règles de vie tu auras le bien et le mal en option ». Finalement les hommes ne sont pas le but ni le sommet ni la fin dernière de la création mais ils en sont une étape et les architectes associés. C’est simple, la vie des hommes se passe sur scène et la terre est l’enceinte où se joue cette pièce. On peut aussi supposer que le monde est fortuit, qu’il aurait pu ne pas être, ou être différent, ou sans hommes ou encore sans matière. Autrement dit, sans Dieu il n’y aurait pas d’histoire. Par conséquent ce sont bien les hommes qui font l’histoire. On voit bien, à la lumière glauque de l’horreur, sous le masque brutalement arraché de la bonté accueillante, le visage grimaçant de cette société déshumanisée qui semble avoir perdu le sens de l’amour comme de la haine.

la vie s’est figée pendant deux minutes en Israël pour marquer la journée de la Shoah.

Ce sont ces années de complaisance politique et médiatique envers la radicalité islamique qui ont bordé le lit de la terreur. Ils n’ont pas compris ou feint de ne pas comprendre que la frontière entre ce qu’on appelle «antisionisme» et «antisémitisme» était poreuse et pensaient qu’elle avait pour effet d’effacer le clivage droite-gauche. Ainsi la pensée gauchisante, porté par les nouveaux antijuifs, le faux antiracisme, la détestation de tout ce qui est occidental, juif, sioniste ont cultivé le bacille de la haine dans les éprouvettes européennes et l’ont inoculé chez ces jeunes en quête d’identité. L’hostilité antijuive s’est fixée sur “le sioniste”, construit à son tour comme l’ennemi du genre humain. C’est dit.

Ayant écrit ce qui précède d’une main ferme, je puis à présent la tendre à cet Homme. Oui Maurice nous avons tous été assassinés à Auschwitz . La douleur m’étreint, je pleure et je crie pour témoigner de notre existence. Pour nous qui n’étions pas là — Shoah —c’est bien plus qu’un mot. Nous, les survivants devons ressentir les affres qui furent les vôtres, non pas dans le seul but de nous attrister ou déclencher notre colère, mais pour éveiller notre vigilance car la violence qui vient, bénéficie de la compréhension de ceux qui précisément ont tété le sein de la radicalité depuis le berceau et ont entretenu une idéologie plus réflexe que réfléchie, aux hormones d’un mal irrationnel. Le pire n’habite pas ailleurs.

La rencontre avec Maurice m’a perturbé. La justesse de ses propos dérangé. Tant mieux! On devrait plus souvent mettre les choses à plat, sinon les pieds dedans. Voila pourquoi Maurice je m’engage à affronter quiconque oserait nier les faits.

FREDAL

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